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Et SVB fit faillite...

Vendredi 10 Mars, la banque californienne Silicon Valley Bank (SVB) - la 16e plus grande banque commerciale américaine - est devenue la plus grande banque à faire faillite depuis la crise financière de 2008. La faillite de SVB survient dans un contexte de grande crispation dans le domaine de la tech américaine : annonce de licenciement massif chez les géants de la tech et ralentissement de l’activité, scandales à répétition (Theranos, FTX..) crise des cryptomonnaies, résultats trimestriels des GAFAMs décevants… Cette faillite agite le spectre d’une crise de grande ampleur et Larry Fink, patron de Blackrock, premier gestionnaire d’actifs au monde, se demande « si les dominos ne sont pas en train de tomber ». Un vent de panique souffle donc sur les marchés depuis 72 heures et de nombreux médias font craindre un scénario à la Lehman Brother en 2008, la chute de la plus grande banque américaine qui marqua la plus grave crise depuis la Grande Dépression et le commencement de la crise économique mondiale avec plus d’un quart de la capitalisation boursière évaporée en quelques jours.


Pourtant la faillite de SVB n’est en rien comparable avec celle de Lehman Brother tant leurs histoires, les raisons de leur faillite, la taille de leur bilan ou encore leurs activités sont de nature différente. Lehman était une institution financière nationale vieille de plus d’un siècle alors que SVB est une jeune banque régionale, créée en 1983 par Bill Biggerstaff et Robert Medearis, qui vient tout juste de fêter sa quatrième décennie. Pour Lehman Brother ce sont les actifs toxiques (subprimes) et les bilans frauduleux qui ont causé sa perte alors que dans le cas de SVB ce sont les investissements dans des obligations à long terme, dont la valeur de marché s'est soudainement effondrée, qui ont causé la perte de l’établissement californien. Une mauvaise gestion du risque des taux, une majorité de titres classés en HTM (Held to maturity), une augmentation de capital au pire des moments et une communication trop transparente sur les difficultés rencontrées par la banque… sont autant d’éléments qui ont scellé le destin de SVB.

C’est à partir de 2020, au moment de la pandémie, que les dépôts de la banque ont grimpé en flèche. Ces milliards supplémentaires ont été investis dans des obligations du Trésor à long terme (considérées comme des valeurs refuge) alors que dans le même temps la Réserve fédérale augmentait les taux d’intérêt, ce qui a nui à la valeur des obligations d’État. Selon plusieurs experts, plus d'un quart des banques américaines sont aujourd’hui dans la même situation que SVB. La vague de retraits qui a suivi l'annonce de la faillite de la banque californienne a provoqué la défaillance de deux autres banques Signature Bank et Silvergate Bank. Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, la faillite d’autres banques est donc probable ces prochains mois.


La prise de contrôle de SVB par les régulateurs fédéraux pour sécuriser les dépôts des clients n’a pas suffit à calmer le vent de panique qui souffle aux Etats-Unis. Par peur d'une contagion, largement alimentée par Wall Street, les déposants américains ont accéléré leurs retraits de dépôts pour les placer dans des établissements bancaires dits « plus sûrs ». Pour beaucoup d’américains, les banques systémiques telles que Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, J.P. Morgan ou encore Morgan Stanley sont perçues, sans doute à tort, comme "Too big to fail". Pourtant, l’exemple de Lehman Brothers a montré que l’une des plus grandes banques au monde pouvait faire faillite. Ce mouvement de panique aura eu comme premier effet de pousser les déposants des banques intermédiaires vers les grandes institutions bancaires américaines. Certains du côté de New-York ne boudent pas leur plaisir de voir la Silicon Valley s’enfoncer dans la plus grande crise de son histoire. Nul n’ignore qu’entre Wall Street et la Silicon Valley les tensions sont grandes et les désaccords profonds.


Si SVB n'est pas une banque systémique pouvant faire s'effondrer le système par sa simple faillite, elle représente une véritable institution dans la Silicon Valley avec de nombreux clients prestigieux dans tech et de biotech : Pharmaceutical, Biotech Companies, Unity, BlockFi, Roku, BuzzFeed Circle, Roblox Shopify pour ne citer qu’eux. Pour tenter de freiner la contagion et sauver quelques joyaux de la tech américaine - Roku détenait environ 487 millions de dollars américains à la banque et Roblox 150 millions - les autorités américaines ont assuré que l’ensemble des dépôts, assurés ou non, seraient disponibles pour les clients de SVB et Signature Banks. Au 31 décembre 2022, SVB détenait 209 milliards de dollars d’actifs et 175 milliards de dollars de dépôts, selon les régulateurs. Cette faillite survient à un moment où l’inflation américaine reste élevée. La Fed comme les Banques centrales européennes sont confrontées au même dilemme : doivent-elles continuer de relever les taux d’intérêt dans un contexte inflationniste ou les baisser et ainsi donner gain de cause aux grandes institutions bancaires. Dans cette histoire de nombreuses zones d’ombre demeurent : Comment une banque de cette envergure a-t-elle pu se retrouver quasiment sans couverture de taux en 2023 ? Pourquoi (selon bloomberg) la société de Peter Thiel, Fondateur de Paypal et venture capitalist influent de la Silicon Valley a-t-elle soudainement décidé de retirer ses millions de dollars en dépôt chez SVB quelques jours avant le bank run? Pourquoi a -t'on laisser SVB faire faillite en prenant le risque d’une contagion alors qu’il aurait suffit d’injecter deux milliards de dollars pour éteindre l’incendie ?


Si la chute de SVB a des raisons structurelles et conjoncturelles bien réelles rien n’a réellement été fait pour anticiper et éviter un tel scénario. L’enquête ouverte par le ministère de la Justice et l'agence supervisant les marchés boursiers permettra probablement d’y voir plus clair. Quelques heures après l'annonce de faillite de SVB Joe Biden a déclaré « Je suis fermement décidé à demander des comptes aux responsables de ce gâchis et à poursuivre nos efforts pour renforcer la surveillance et la réglementation des grandes banques afin que nous ne nous retrouvions plus dans une telle situation ». En septembre 2008 les autorités américaines refusaient de renflouer Lehman Brothers Holdings Inc, contrairement à Fannie Mae, Freddie Mac ou encore l’assureur AIG, ne laissant d’autre choix à l’entreprise que de se placer sous la protection du chapitre 11 du Code fédéral américain des faillites. C’est peut-être là le seul point de comparaison entre ces deux faillites. La faillite de SVB, qui aurait pu être évitée, sonne comme un sérieux avertissement pour la Silicon Valley.


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Source :





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Silicon Valley bank


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