Promis, juré, l’économie numérique devait être un territoire vierge de pesanteur sociale, un écosystème où la contingence de la réussite prévaudrait sur la sacrosainte logique des cénacles endogamiques. Elle devait mettre l’innovation au service du progrès, se penser comme l’avant-garde du monde de demain. Elle devait être progressiste, éclairée permettant aux uns mais aussi aux autres de se hisser en haut de l’échelle sociale. En bref, ce nouveau monde ne ressemblerait pas à l’ancien, celui où sévit un processus de ghettoïsation des classes supérieures dans lequel les femmes, les minorités ethniques, ou encore les personnes victimes de handicaps sont sous-représentées.
Il est hélas déjà largement établi que dans les écosystèmes de Start-up du monde entier, le profil type du dirigeant est celui d’un homme blanc et trentenaire. La sacrosainte Silicon Valley ne fait pas exception à la règle pire elle en est l’incarnation. Les derniers rapports officiels des grandes entreprises de San Francisco montrent que moins de 30 % de femmes occupent des postes de direction, avec à la clé — comme si cela ne suffisait pas— des disparités de rémunérations systématiques contre elles dans l'ensemble de l'entreprise. A noter que dans les 150 plus grosses sociétés de la Silicon Valley, seuls 15% des sièges d'administrateurs étaient occupés par des femmes en 2016, soit six points de moins que pour l'ensemble des sociétés de l’indice Standard & Poor’s 500. (1)
Dans ce rapport on apprend également que les personnes noires représentent 1 % des effectifs de la société Uber et les hispaniques 2,1 %, des chiffres à peine à croyables.
Toujours aux Etats-Unis, la part d'employés « noirs » chez Google est de 2 % alors que la population américaine compte 47 millions de Noirs, soit près de 15 % de la population totale…En 2015 le site Motherboard révélait qu'en moyenne les noirs gagnent chaque année 3.656 dollars de moins que les blancs, les asiatiques 8.146 dollars, et les hispaniques 16.353 dollars. Pour ce qui est des postes à responsabilités là encore le constat de l' inégalité s'impose « Seules trois compagnies – Microsoft, Oracle et Salesforce.com – ont une personne noire ou hispanique au sein du conseil d’administration » précise le site. Le constat semble d'autant plus chargé de regrets que bon nombre d'études montrent que mixité et diversité sont de véritables vecteurs de croissance pour une entreprise.,
Pour expliquer cette sous-représentation des minorités certains — jamais à court d’imagination — avancent l'excuse de la carence de candidats où entretiennent le mythe du manque de capacité. L’histoire se charge de rappeler le rôle clé joué par les femmes dans l’avènement des technologies numériques, d'Ada Lovelace (premier programme informatique) à Grace Hopper (premier langage de programmation), en passant par Hedy Lamarr (Wi-Fi et GPS). Ou encore celui des noirs avec Larry T. Preston (concepteur de la bande magnétique d’ordinateur), Mark Dean (concepteur du premier PC-IBM) ou encore Henry Sampson (inventeur du téléphone cellulaire).
Les seniors : les grands oubliés du monde des Start-up.
Dans le monde des Start-up, qui érige la jeunesse en valeur de référence quasi-absolue, on y devient vieux plus vite qu'ailleurs et c'est un euphémisme d'écrire que les séniors n'y ont pas ou peu leur place. Pourtant, les oublier revient à se priver d'une source infinie d'expérience, de sagesse ou encore de transmission de savoir et de savoir-faire.
On le sait la création de Startup n'est pas un long fleuve tranquille même si les mythologies y sont nombreuses et se nourrissent de récits d'associations souvent heureuses. En réalité les tensions y sont nombreuses tout comme les erreurs liées à l'inexpérience des fondateurs. Entretenir un capital senior au sein d'une jeune entreprise permet de bénéficier de précieux conseils et ainsi éviter certains écueils bien connus de la vie entrepreneuriale. Ce capital senior peut être également un véritable levier d'amélioration du climat social au sein d'une Start-up en pleine croissance. Nous le savons, quand les générations apprennent à cohabiter elles coconstruisent le meilleur modèle d'entreprise qui soit.
Les loups ne sont pas qu’à Wall Street
Il y a peu la plus célèbre des places financières invitait ses employés à reléguer leurs costumes au placard pour les remplacer par des polos plus décontractés. Si la Silicon Valley semble avoir influencé Wall Street en terme de dress-code, cette dernière semble dans le même temps lui avoir troqué ses vieux travers.
L'étude intitulée « The elephant in the valley littéralement « l’éléphant dans la vallée » a récemment montré que 60 % des femmes travaillant dans des entreprises de la Silicon Valley ont été victimes de harcèlement sexuel et 39% de celles qui disent avoir été harcelées avouent n'avoir pas réagi par peur de représailles. Dans la baie de San Francisco les accusations pleuvent et cassent un peu plus le mythe ce temple de l'innovation à l’état d'esprit profondément rétrograde et toxique.
Abus de pouvoir, attouchements, remarques sexistes, harcèlement, anecdotes aussi obscènes que déplacées.… ces pratiques semblent profondément enracinées dans l’industrie technologique américaine.
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