Dérèglement médiatique

En 2016, l’éditorialiste Roger Cohen écrivait dans Le New York TImes un texte d’une rare justesse sur la fin de la vérité dont je vous livre ici un court extrait : « Les alertes sur le danger à venir ont l’air des derniers gémissements des profiteurs d’un système décadent, en train de se désagréger. La réponse est dans le mouvement. Le mensonge est la nouvelle vérité. La chorégraphie est plus importante que le contenu. Le monde est sens dessus dessous.» Cet extrait au souffle annonciateur mettant en lumière des excès qui n’ont pas été entendus ou suffisamment compris, nous rappelle qu’à de trop nombreuses reprises les mensonges prennent l’apparence des vérités et se parent de leurs plus beaux habits. Solubles dans les médias, qui trop souvent délaissent l’information au profit de l’opinion, les mensonges et la manipulation sontdevenus omniprésents et confèrent désormais aux chantres du faire croire le statut de détenteur de vérités. Mais plus que la vérité, car il n’est point de vérité ultime, c'est de la véracité des faits dont il doit être question. Si les médias partisans ont toujours existé il convient de savoir à quel point ce militantisme dévoie l’information et trahit les critères définis dans la charte de Munich. Pour que leur travail ne soit pas biaisé et influencé par leurs propres biais cognitifs, les journalistes ont le devoir de recouper les sources, analyser les faits et les mettre en perspective mais beaucoup semblent l’avoir oublié. A l’après-guerre, la presse se voulait défenseur de la liberté d’opinion, la pluralité de l’information- quoiqu'imparfaite - existait et le choix d’orientation d’une rédaction n’était pas un choix partisan. La manière dont est traitée l’information depuis quelques années dans ce pays est pour le moins contestable pour ne pas dire autre chose. La subjectivité de nombreux médias dans le traitement de l’information est devenue objectivable. Ces mots de Hannah Arendt doivent plus que jamais nous rappeler a quel point nos démocraties sont fragiles : " Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien (...). Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez". Crédit 📸 : Pixabay