De fortes tensions sociales pourraient apparaître prochainement en Asie-Pacifique, en Afrique subsaharienne, au Proche-Orient et en Afrique du Nord du fait de la dépendance de plusieurs pays au blé russe et ukrainien. La hausse du cours des céréales pourrait entraîner des pénuries en cascade et rendre extrêmement difficile l’accès aux denrées alimentaires dans des pays déjà très pauvres et confrontés à la famine. Car l’Ukraine et la Russie font partie des principaux exportateurs mondiaux de colza et de tournesol, de blé, de maïs, d’orge et représentent, à elles deux, plus d’un tiers des exportations mondiales de céréales. L’Ukraine et la Russie écoulent également 80 % de l’huile de tournesol commercialisée sur la planète. Les conséquences sont déjà palpables en Afrique, en effet le prix des denrées de première nécessité a augmenté de 50% en moyenne et les pénuries se font déjà sentir. Souvenons-nous qu’en 2008 les « émeutes de la faim » avaient frappé plus de 48 pays : une grande partie de l'Afrique, Haïti, l’Indonésie, les Philippines, le Pérou, Bolivie ou encore Madagascar. La forte hausse du prix des denrées alimentaires de base en était - déjà - la principale cause.
Voici quelques chiffres très parlants:
La Somalie qui connaît sa pire sécheresse en 40 ans est aussi un des pays les plus pauvres et avec un des taux de malnutrition les plus élevés au monde, importe 100% de son blé de Russie et d’Ukraine.
En Tunisie: + de 50 % des importations en blé proviennent d’Ukrainienne.
Au Bénin 100 % de blé est importé de Russie
Au Soudan la grave crise dans l'est du pays qui provoque une pénurie de pain à Khartoum ne devrait pas s’arranger. Le pays importe 75% de son blé d’Ukraine et de Russie.
Pour ces pays la dépendance au blé Russe et Ukrainien est également très importante :
Égypte : 81%
Congo : 68%
Sénégal : 65%
Tanzanie : 63%
Si comme le montre cette animation la France est un des principaux producteurs de blé dans le monde - le premier producteur et exportateur de blé tendre en Europe - elle reste dépendante des engrais azotés, du phosphore et du potasse provenant essentiellement de Russie et dont l’agriculture européenne est grandement dépendante.
"En 2021, la Russie était le premier exportateur d'engrais azotés et le deuxième fournisseur d'engrais potassiques et phosphorés", rappelle l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
Loin d’avoir assuré son indépendance agricole l’Europe devrait donc subir la hausse généralisée des prix sur les marchés mondiaux en raison du blocage des ports ukrainiens de la mer Noire, combiné à la hausse du coût du fret maritime. Outre le fait d’avoir mis la main sur le grenier à blé de l’Europe la Russie a su assurer son indépendance agricole au lendemain des sanctions occidentales de 2014. Vladimir Poutine avait alors investi quelques 52 milliards de dollars dans son agriculture. Huit ans plus tard, la Russie est autosuffisante en volailles et quasiment en viande de porc.
Au-delà des stocks disponibles et de la capacité des pays à se procurer des denrées alimentaires, c’est bien la différence entre le prix du marché et la véritable valeur du prix des aliments dont il est question. La déréglementation et le libre marché ont ouvert la voie à la spéculation sans limite des denrées alimentaires. Dans, les années 2000, le Président des États-Unis, Bill Clinton, et le président de la réserve fédérale des États-Unis, Alan Greenspan, font passer un projet de loi qui change la façon dont le prix des matières premières est fixé supprimant dans le même temps la limitation du nombre de tradeurs pouvant spéculer sur les produits dits « de bases ».
Les denrées alimentaires sont ainsi devenues des instruments financiers source d’une vaste spéculation produisant volatilité et inflation. Les spéculateurs cherchent désormais à saisir des opportunités dans la volatilité des marchés des matières premières sur fond de crise climatique et sociale. Comme si cela ne suffisait pas la sophystication du marché des matières premières parie désormais contre la porspérité des économies fragiles avec des spéculations informatisées où les algorithmes passent des ordres en quelques millisecondes. La sécheresse dans un pays producteur de céréales peut ainsi pousser les spéculateurs a estimer la quantité de blé qui va être perdu et augmenter les prix en fonction de ces éléments. Le prix des matières premières ne sont donc plus forcément fixé en fonction de l’augmentation de la consommation mais de la demande des spéculateurs tout puissants basés à New-York, Londres, Chicago ou Atlanta.
Les spéculateurs des matières premières se livrent une guerre sans merci et comme souvent les premières victimes sont les populations les plus pauvres. L’augmentation des prix est souvent la goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà trop plein. On sait désormais qu’il y a un lien entre l’augmentation du prix des produits alimentaires et les troubles sociaux. Pourtant l'Histoire est là pour nous rappeler que l’effondrement de la civilisation maya s’est faite par une combinaison de plusieurs facteurs sociétaux et économiques dont l’apprivoisement des sols, l’augmentation des températures de plusieurs degrés entraînant une baisse des précipitations et une déforestation massive mais aussi et surtout par l’épuisement rapide des ressources alimentaires…
Sources :
(2010, 8 août). INCENDIES EN RUSSIE – Le prix du blé s’envole. Le Point. https://www.lepoint.fr/economie/incendies-en-russie-le-prix-du-ble-s-envole-07-08-2010-1223018_28.php#
THE DOCUMENTARY. (2021, 7 février). Richesse inédit – enquête sur les spéculateurs de la crise et du chaos [Vidéo]. https://www.youtube.com/watch?v=r4Z8e_6BO_k
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